C’est aux heures sombres que la musique révèle tout son pouvoir

Ernest Gordon raconte que, dans le camp de concentration près de la Rivière Kwaï les prisonniers avaient constitué un petit orchestre. Malgré tous les efforts de leurs vainqueurs pour leur arracher les derniers vestiges d’humanité. « La musique, dit-il, nous rappelait qu’on peut toujours trouver de la beauté dans la vie, même au milieu des cendres. » (Through the Valley of Kwai, Harper and Row 1962, p.164) W. Edgar (MP, p.1) qui le cite ajoute: « Les blues ont été chantés par les Noirs d’Amérique au milieu des pires difficultés. »). Les Negros Spirituals ont la même origine.

Les plus beaux cantiques sont nés d’une détresse ou d’un deuil et ont été une source de consolation pour d’innombrables chrétiens

Il suffit de citer Paul Gerhardt (1607-1676) qui venait de tout perdre dans la guerre : femme, enfants, foyer, et qui composa le cantique: Befiehl du deine Wege (Recommande ta vie et ce qui blesse ton cœur aux soins attentifs de Celui qui dirige les mondes. Lui qui mène vents et nuages à travers leurs chemins et leurs voies, trouvera bien un sentier sur lequel ton pied pourra marcher.)

Chanter ensemble

Autrefois, on se retrouvait souvent simplement pour chanter ensemble. C’était joyeux, parfois bruyant ou même un brin sentimental, autour d’un harmonium poussif ou d’une guitare maniée par un amateur. On sortait de ces rencontres imprégné d’une atmosphère d’harmonie et de joie, armé contre les influences délétères du monde ambiant. Peu à peu, on apprenait aussi quantité de chants dont les paroles vous soutenaient aux moments de la tentation ou de la détresse. Aujourd’hui, on écoute des ensembles dont la qualité musicale est certainement bien supérieure à ces groupes improvisés, mais il n’est pas certain que l’assistance à un concert ou l’écoute de cassettes ait les mêmes effets.

Une chrétienne nous a raconté que, dans un pays de l’Est, les jeunes se retrouvaient tous les dimanches après-midi dans leur jardin pour chanter des cantiques des heures durant. Je me rappellerai toujours un Lundi de Pâques, peu après la guerre, à la Chartreuse de la Valbonne. Des prisonniers de guerre allemands assis par terre au soleil se sont mis à chanter. Les mélodies s’enchaînaient, les voix se mêlaient, nostalgiques ou vibrantes d allégresse, les heures s’écoulaient portées par cette communion humaine bienfaisante et enrichissante. Pendant toute l’après-midi, ils ont chanté, s’encourageant mutuellement et se fortifiant dans le souvenir de la patrie qu’ils espéraient bientôt retrouver. Ainsi le chrétien se transporte en pensée par ses chants dans la patrie céleste vers laquelle il est en chemin.

 

Alfred Kuen